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Désirs enchaînés

Le bonheur, si nous serrons d'un peu près cette notion si vague pour la préciser, où le verrons-nous réalisé ?
Apparemment dans l'état d'un individu ou d'un peuple qui a trouvé son assiette, comme on dit.

Et qu'est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire que le bonheur est, non pas précisément l'apaisement de nos désirs, mais une rotation en quelque sorte quotidienne de désirs enchaînés, périodiquement renaissants et satisfaits de nouveau pour renaître encore, et ainsi de suite indéfiniment.

Je dis rotation ; quand, en effet, la série des désirs qui s'enchaînent, entrecoupés de satisfactions alternatives, se présente comme une ligne qui ne revient pas sur elle-même, comme une courbe ouverte qui va toujours de l'avant, dans l'inconnu de sensations toujours nouvelles, de desseins toujours inédits, il y a fièvre ambitieuse ou amoureuse, et il peut y avoir ivresse, transport de joie ; il n'y a pas bonheur.
Gabriel Tarde (1843-1904)