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Beauté ou laideur

Un phénomène très étrange se produit en compagnie d'une très belle femme. Très peu d'hommes le perçoivent, pour la simple est bonne raison qu'ils n'ont pas l'habitude de fréquenter ce genre de créature.

Avant de préciser de quoi il en retourne, voyons d'abord comment s'exprime la beauté.

Invitation à aimer

Indépendamment de la volonté de la femme, la révélation de sa beauté est généralement instantanée. Les attraits physiques d'une belle femme ne se dissimulent pas. Ses charmes représentent toujours une invitation à aimer.
Cette manière de découvrir la beauté féminine est cependant fortement préjudiciable à sa détentrice. Tout homme conquis par la beauté féminine associe inconsciemment toutes les qualités morales et intellectuelles, qui s'accordent avec cette valeur esthétique.
Une belle femme va se trouver ainsi confrontée à l'obligation de maintenir une promesse, qu'elle n'a jamais formulée. En effet s'y refuser, serait faire preuve d'un dédain en contradiction avec les qualités inhérentes de la beauté. Une telle femme choit immédiatement du piédestal où l'homme l'avait mise.

Si bien que la plupart des belles femmes se livrent sans retenue aux yeux émerveillés de leurs admirateurs. Par la force des choses, le regard contemplatif du spectateur se transforme et devient progressivement scrutateur et inquisiteur. De la beauté dévisagée à la beauté dévalorisée, il n'y a qu'un pas qui conduit toute belle femme dans une impasse.
Comment ne pas décevoir ?

Limitations de la beauté

Ce mécanisme de dépréciation auquel doivent faire face toutes les belles femmes est inhérent aux limitations de la beauté physique. Quoi que fasse ce type de femme, elle rompra tôt ou tard la représentation idéale de la beauté qui s'est incrustée dans l'esprit de l'homme. Car l'homme, dans sa soif d'absolu, ambitionne de cultiver une idée de beauté transcendante et immuable. Bien qu'un tel idéal ne se trouve que dans une statue de marbre. Immobile et figée pour la postérité.

Par conséquent, tout mouvement, toute parole de la femme va briser cet équilibre. La parfaite harmonie est condamnée à se dissoudre. Imperceptiblement les défauts émergent. Ils lézardent le beau tableau, jusqu'à ce que l'illusion se dissipe.

Quand l'enchantement se rompt et que le rêve entretenu par la beauté n'a plus lieu d'être, la nature animale de l'homme reprend le dessus. Si c'est un rustre, il fera souffrir cruellement la femme. Son but sera de renverser son idole avec la même ardeur qui le conduisit à la vénérer. Jusqu'à ce que la beauté soit complètement souillée et rejoigne, dans sa déchéance, la laideur.

Acceptation de l'imperfection

Le seul salut de la femme belle est alors de rencontre un homme dont la sensibilité et l'intelligence parviendront à unifier les deux facettes de la beauté afin de restituer à la femme sa dignité et sa dimension.
Seule la reconnaissance de l'imperfection rend l'amour possible. Cette acceptation doit être réciproque pour que l'amour puisse s'exprimer et subsister.

Ce n'est donc pas une surprise que les femmes communément laides sont victimes du processus inverse. Derrière l'offense pour les sens que représente la laideur, existe un élan vital qui, à travers l'interpénétration des regards, unit les profondeurs de l'esprit et de la nature. De telle manière que les richesses morales parviennent à transfigurer l'image corporelle. Ainsi la beauté universelle, qui se cache dans les tréfonds de l'âme, peut éclore.

Les défauts qui semblaient criards s'imprègnent alors d'un certain charme. Peu à peu la disgrâce se transforme, au point d'atteindre une sorte de perfection unique, très éloignée des canons de la beauté standardisée. D'autant plus gratifiante sera cette métamorphose pour l'homme, qu'il aura eu le sentiment d'y avoir participé.

La laideur rejoint ainsi la beauté et les vexations de la nature ne seront plus qu'un vestige du passé.